Halldór Laxness (1902-1998) a indéniablement dominé la scène littéraire islandaise du XXe siècle. Auteur prolifique, il écrivit pendant sa longue carrière pas moins de treize romans majeurs, cinq pièces de théâtre et l'adaptation d'un de ses propres romans pour la scène, sans compter ses recueils de nouvelles, d'essais et ses mémoires. Ses ouvrages ont été traduits en 43 langues et publiés dans plus de 500 éditions. Sa carrière fut unique en son genre et la diversité de ses œuvres est quasiment incomparable : les lecteurs étaient chaque fois surpris par la sortie d'un livre tant il différait des précédents.
Pendant les années 20, Laxness écrivit un roman moderniste teinté d'un accent surréaliste, Le grand tisserand de Cachemire (1927), ainsi que des poèmes progressistes. Au cours de la décennie suivante, il produisit des romans réalistes socialistes, comme Gens indépendants (1934-35), dont le héros est le fermier Bjartur de Sumarhus. Le livre se présente lui-même comme « …La saga de l'homme qui a semé dans le champ de son ennemi toute sa vie, jour et nuit. Telle est la saga de l'homme le plus indépendant en ce pays ».
Durant les années 40, Laxness publia des romans historiques, dont La Cloche d'Islande, publiée en 1943-46, qui fut sa contribution à la campagne menée par les Islandais pour l'indépendance de leur pays. Parmi les autres ouvrages très connus de Laxness comptent Lumière du monde (1937-40), Station atomique (1948), Les Annales de Brekkukot (1957) et Le Paradis retrouvé (1960) auxquels s'ajoute une série de pièces de théâtre composées pendant les années 60 dans la veine absurdiste. Enfin, avec Úa ou Chrétiens du glacier, écrit en 1968, il esquissa un retour au roman moderniste quarante ans après Le Grand Tisserand de Cachemire : à presque soixante-dix ans il était en plein accord avec une nouvelle génération de romanciers islandais.
Les idées et les croyances de Laxness évoluèrent d'une époque à l'autre, ce qui dans une certaine mesure se reflète dans ses œuvres. Catholique au début de sa carrière littéraire, il opta ensuite pour le socialisme avant de se détourner de toutes les doctrines – à l'exception peut-être du taoïsme. Il ne fut jamais tenté de désavouer les opinions qu'il avait adoptées à un moment donné, puis abandonnées ultérieurement, car il les considérait comme des étapes instructives de son évolution psychologique. De la première à la dernière période, on peut néanmoins discerner des thèmes constants dans ses livres : bien qu'il ne vît pas les choses comme les autres et que ses écrits fussent souvent mordants, il s'est toujours efforcé de voir le côté comique de ses personnages et de leurs actions. De surcroît, il était invariablement du côté des opprimés.